Pour comprendre les évolutions futures du travail, il est nécessaire d’en comprendre les causes, c’est à dire les mutations qui traversent actuellement notre société.  Nous vivons une triple transition. Une transition digitale d’abord, qui dématérialise les organisations, médiatise les relations interpersonnelles et supprime de nombreuses barrières concurrentielles. Dans le domaine du travail, elle virtualise l’entreprise et la pousse à rechercher des avantages compétitifs dans le champ de l’innovation organisationnelle et managériale (et non plus seulement du côté de la stratégie ou du produit). Une transition sociale ensuite, qui bouleverse complètement les attentes vis-à-vis d’un travail dont on attend désormais beaucoup plus qu’une simple rémunération. Une transition écologique enfin, qui place l’entreprise face à de nouvelles responsabilités : éthique, citoyenne et environnementale.

Comment cette triple transition va façonner la nouvelle entreprise de 2020 ?

1. Vers une virtualisation totale du poste de travail et donc… une généralisation du travail à distance d’ici 2030

L’évolution des modes de vie, la transition écologique et la digitalisation des relations vont continuer à imposer une dématérialisation et une décentralisation de l’entreprise au profit de tout un spectre de nouveaux modes de travail remote : homeshoring, travail en écosystème, organisation matricielle, offshoring, multisite, néo nomadisme, etc.

Actuellement le plus populaire des nouveaux modes de travail au sein des entreprises et récemment dopé par la Loi Travail et les mouvements sociaux, le télétravail s’accélère : 71% des Français sont en faveur du télétravail et 17% des Français télétravaillent plus d’une journée par mois. Les bénéfices sont nombreux : amélioration de la qualité de vie au travail, de l’équilibre vie professionnelle / privée, gain de productivité, réduction de l’absentéisme et réduction de l’impact environnemental.

Ces nouvelles organisations du travail nécessiteront cependant une maîtrise totale de la collaboration et du management au sein de collectifs de travail virtualisés. Si certains outils comme le chat, le téléphone, la visioconférence et même, demain, la réalité augmentée ou virtuelle permettent une communication régulière ; ils ne reproduisent pas les conditions présentielles. Des nouveaux modes de management et de travail doivent encore être inventés.

2. Vers un lieu de travail qui doit se réinventer sans cesse pour créer plus de valeur

Les nouveaux modes de travail, l’aspiration à une Qualité de Vie au Travail, les nouveaux métiers et les nouvelles contraintes transforment les espaces de travail qui doivent désormais s’adapter à leurs occupants.

On estime à 40% le taux de vacance moyen d’un poste de travail en France. Face à ce vide coûteux et énergivore, les nouveaux principes d’aménagement et méthodes d’occupation comme le Flex Office, utilisé par 10% des salariés européens en 2018 (+20% vs 2017), visent à optimiser les surfaces tout en répondant aux nouvelles attentes des collaborateurs. De plus, les spécificités de chaque entreprise, de chaque métier et chaque collectif de travail marquent la fin du bureau universel et ouvre l’ère de l’Activity Based Working.

Plus généralement, le bureau ne sera plus qu’un simple espace : il devient une réelle ressource à optimiser pour créer de la valeur en rapprochant les composantes de la chaîne de valeur, en créant de nouvelles interfaces d’innovation, en favorisant le collaboratif dans un écosystème de plus en plus atomisé et en favorisant les comportements business souhaités.

3. Vers une expérience collaborateur aussi stratégique que l’expérience client

Dans l’économie de la créativité qui s’installe, les collaborateurs vont devenir une ressource de plus en plus rare, volatile et intermittente. Leur exigence va croître plus vite que celle des clients. Maîtriser son expérience collaborateur (de l’onboarding jusqu’au réseau d’alumni, en passant par le sens du travail), c’est sécuriser son accès à une ressource critique.

Dans ce contexte, la capacité à monitorer finement l’opinion et le moral de ses collaborateurs n’est plus un atout mais une nécessité vitale pour agir, réagir et retenir ses collaborateurs en analysant leur vécu afin de leur proposer des actions réellement épanouissantes.

À l’autre extrémité du spectre, l’accélération des innovations et des transformations augmente la charge cognitive des salariés qui doivent sans cesse se former et se challenger, pesant de manière significative sur leur santé mentale. La gestion des risques psychosociaux va donc rester une priorité élevée de l’agenda des DRH.

4. Vers une organisation et un management toujours plus innovant

Qu’il s’agisse d’organisation apprenante, agile, libérée, multi-podulaire, bio-mimétique, citoyenne, inclusive… les entreprises cherchent des façons différenciantes d’exécuter leur stratégie business pour distancer leurs concurrents. La recherche d’avantages comparatifs se déplace sur le terrain des schémas managériaux et organisationnels.

Le contrat social n’est pas en reste puisque les entreprises recherchent également de nouveaux compromis et de nouvelles logiques sociales pour optimiser leur appareil de production et d’exploration avec notamment les nouvelles organisations du temps de travail (auto-positionnement, temps flexibles, etc.) qui visent à réaligner les nouvelles attentes des clients, des salariés et des entreprises.

L’entreprise de demain devra également s’adapter à la gestion d’une main d’œuvre protéiformes : les effectifs et postes uniques sont effacés au profit d’effectifs variés, composés de freelances, CDD, CDI pour toujours répondre aux besoins du client, lui-même de plus en plus fugace.

Le marché voit également émerger de nouvelles classes d’entreprises, notamment les « scale up », ces entreprises post start-ups mais pas encore tout à fait PME, qui exigent de réinventer les pratiques de travail, de management et de gestion des ressources humaines.

5. Vers une nouvelle entreprise qui doit être utile à toutes ses parties prenantes (RSE)

Face aux enjeux environnementaux et sociétaux et sous la pression des régulateurs et de l’opinion mondiale, les entreprises vont devoir adapter leur stratégie pour intégrer les préoccupations sociales et environnementales à leurs activités. La réussite d’un tel virage suppose que tous leurs collaborateurs s’acculturent, mesurent et comprennent les enjeux environnementaux.

Pour mieux comprendre ses clients, développer sa créativité, élargir ses bassins de recrutement et contribuer à un projet de société soutenable, les entreprises doivent avoir la capacité d’intégrer toute la diversité sociale, et plus généralement s’inscrire dans une démarche d’entreprise citoyenne et demain d’entreprise positive.

Dans ce contexte, l’éthique sera pour les entreprises du 21ème siècle ce que la qualité fut pour les entreprises du 20ème siècle : une obsession pour satisfaire le client. Traitement des données, intelligence artificielle, génétique, écologie, robotisation, tous les métiers et tous les secteurs vont devoir intégrer l’exigence éthique dans leur spectre de compétences.