Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Le collectif au travail est-il en voie d’extinction ?

Comment préserver le sens du collectif aujourd’hui dans nos organisations ? C’est autour de cette problématique que Greenworking a réuni le 26 janvier deux invités exceptionnels, à l’occasion d’un petit-déjeuner à la maison RaiseLab dans le 11ème.

Alain Bernard, nageur triple médaillé aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, et Mathilde Le Coz, DRH de Mazars France et leader d’opinion dans le domaine du future of work, ont témoigné de leurs expériences respectives. Deux regards inspirants et éclairants, à la croisée d’univers distincts partageant pourtant de multiples enjeux : individu, collectif, objectifs, performance, sens, engagement, et excellence.

Le collectif au travail est-il en voie d’extinction ? Greenworking revient sur 8 tendances, fruit de cette rencontre riche et inédite.

Pas de performance individuelle sans performance collective

Alain Bernard le concède sans hésiter, c’est grâce à l’expérience du relais qu’il a accédé à la compétition internationale. La natation est un sport individuel et collectif avec des clubs, des groupes d’entrainement, des objectifs, la gestion de caractères et d’égos divers. La constitution d’équipes y est un enjeu majeur permettant à chacun de s’exprimer, de se remettre en question, d’être porté par de nouvelles dynamiques. Ce malgré l’adversité des membres de l’équipe en amont.

Un constat partagé par Mathilde Le Coz : du turnover viennent des croisements de regards différents. Il contribue dans les organisations à l’innovation RH et à la transformation.

La force du collectif dans ce contexte selon nos deux invités ? Trouver le juste équilibre, ne pas subir, en faisant de la diversité un atout, de l’adversité une concurrence positive. En fédérant grâce à la force du leadership, à des valeurs, un objectif commun. En s’entraidant et en communiquant afin de performer au plus haut niveau.

Le turnover, un indicateur sain pour les collectifs de travail

Au sein du collectif, Mathilde Le Coz témoigne en tant que DRH de l’aspect fondamental de l’engagement : « Je préfère avoir des équipes engagées pendant le temps qu’elles sont dans l’entreprise, plutôt que des collaborateurs qui restent longtemps mais ne le sont pas ». Une conviction paradoxale mais claire, le turnover dans les organisations est sain. Tout dépend dans quelle proportion. Rapport également au secteur d’activité, au niveau de complexité des métiers et aux processus mis en place pour partager et transmettre informations et connaissances. Quant à la fidélisation, sans engagement elle n’apporte aucune valeur au collectif.

De l’importance de distinguer engagement et motivation. Au contraire de la motivation, l’engagement est extrinsèque à l’individu. Il s’adresse au collectif, à l’équipe, à l’entreprise, à ses valeurs, et à sa raison d’être. Il est en outre un choix, celui de faire partie d’une entreprise à un instant T. Un choix conforté par la multiplicité des opportunités de départ dont un individu dispose. Plus il peut explorer les offres auxquelles il peut prétendre en dehors de l’organisation, librement et en toute transparence, plus il aura la possibilité de choisir de rester ou non dans le collectif dont il fait déjà partie.

« Chez Mazars, l’offboarding fait même partie de notre promesse. Venez, découvrez, nous allons vous aider à trouver votre voie professionnelle. Il est question d’offboarding dès l’onboarding et ce n’est pas un problème ». Notamment concernant les Gen Y et Z. Il est essentiel de travailler non pas sur la fidélisation mais sur l’engagement dans les collectifs, car l’engagement est garant de plus de fidélité en général.

Quête de sens et estime de soi, de puissants leviers d’engagement

Selon Mathilde Le Coz, l’engagement se mérite. De fait, il est fondamental d’identifier les leviers clés pour réussir à le susciter auprès des collaborateurs. S’ils diffèrent d’un individu à l’autre, nous en retiendrons deux : le sens et l’estime de soi qui sont directement liés. Par sens, il est question du sentiment d’utilité à autrui, à une cause qui nous dépasse et va au-delà de la simple raison d’être de l’entreprise.

Là encore, les expériences d’Alain Bernard et Mathilde Le Coz se rejoignent. Comme dans le sport de haut niveau, performance individuelle et collective en entreprise se nourrissent et sont indissociables. De la nécessité de trouver sa place dans un tout pour servir un objectif commun. Et de manager par le cap, non par les processus rappelle Alain Bernard.

Un rapport au collectif impacté par l’éducation positive des individus

Selon la DRH de Mazars France, il existe aujourd’hui un parallèle opérant et avéré entre l’éducation des membres d’une famille, et l’évolution du management au sein des collectifs de travail. L’éducation positive y est pour beaucoup. Les Gen Y et Z notamment ont intégré le fait d’avoir voix au chapitre, de pouvoir contribuer au même niveau que les autres collaborateurs.

Voilà pourquoi le collectif ne se pense plus en strates verticales. Il s’appuie sur la diversité, les points de vue, l’intelligence collective. Une tendance à prendre en compte dans l’appréhension des nouveaux collectifs de travail.

Autre puissant levier d’engagement : la confiance, dans un contexte d’explosion du slashing et du freelancing

Le collectif au travail est-il en voie d’extinction ? Alors que le cumul d’emplois et le recours aux freelances se développent, signes d’une volonté d’émancipation des individus face au collectif, l’accélération du microentreprenariat ne signifie pas pour autant la fin de ce dernier.

« Parfois le collectif peut être aliénant et étouffant » indique Mathilde Le Coz. « Nous sommes tous aujourd’hui en recherche d’émancipation, d’équilibre entre le collectif et la place de la singularité. Le collectif peut écraser les individualités. L’inverse est aussi possible ».

De nombreuses solutions ont été mises en place chez Mazars afin d’éviter que ce besoin de prise de recul ne fragilise l’organisation : autorisation du slashing, mise en place de programmes d’onboarding permettant d’intégrer les nouveaux Mazariens, transmission intergénérationnelle pour préserver les valeurs, création de programmes d’interprenariat, etc. Cette liste de leviers imaginés n’est pas exhaustive.

Fédérer les individus en rappelant l’ADN et le cadre du collectif

Comment embarquer des egos dont les intérêts diffèrent, au service d’un même objectif ? Il existe là encore des solutions concrètes. Par exemple, la mise en place de moments d’échange informels à l’extérieur du cadre de l’équipe, en dehors des objectifs à atteindre indique Alain Bernard, pour apprendre à se connaître, fédérer, et créer du lien. « Sans jugement ni masque » précise Mathilde Le Coz.

Autre clé pertinente, la définition d’un cadre clair du « bien vivre ensemble », tout en valorisant les expertises individuelles. Mobiliser, écouter l’ensemble des individus autour de questions liées à l’identité du collectif est ensuite fondamental : quelles sont les valeurs et règles de fonctionnement communes ? La raison d’être et les objectifs poursuivis ? Chacun doit participer à ces réflexions. « Un bon leader doit faire prendre de la hauteur, savoir quel temps apporter à cette écoute pour renforcer efficacement le collectif » ajoute Alain Bernard.

Tempérer l’excès d’engagement pour prévenir les risques psychosociaux

Le constat est le même dans le sport et en entreprise : l’excès d’engagement, tout comme le manque d’engagement, requiert une vigilance particulière. Un collectif fort peut induire des RPS importants (burnout, charge mentale, isolement) et la perte des meilleurs talents. Pour Alain Bernard, l’auto-valorisation joue dans ce cas un rôle essentiel, il faut apprendre à apprécier le positif pour prendre du recul.

Mathilde Le Coz va plus loin. L’organisation doit prévenir les RPS et libérer la parole grâce à la mise en place de rituels visant à rappeler régulièrement les sujets d’équilibre de vie, et à sensibiliser les managers à l’identification des signaux faibles.

Le rôle clé du leadership, ou comment embarquer Gen Y et Z notamment

De l’importance de valoriser les complémentarités au sein des collectifs, dans un cadre d’autonomie. Gen Y et Z nécessitent dans cette optique une attention ciblée, elles qui se retrouvent parfois dans un collectif dans lequel elles n’ont pas forcément envie d’être, avec un goût de l’effort qui souvent se délite.

Du point de vue d’Alain Bernard, « les jeunes font beaucoup de choses en même temps, la difficulté est de les canaliser, de les embarquer en leur détaillant le pourquoi des exercices et objectifs fixés ». Du côté de l’entreprise aussi, « travailler avec les jeunes est très enthousiasmant, une génération est le fruit d’une époque, d’une éducation reçue. La Gen Z aujourd’hui a d’autres leviers de motivation » pour Mathilde Le Coz.

En conclusion le collectif au travail est encore loin d’être en voie d’extinction. Il se transforme plutôt, dans un contexte de changements et de nouveaux équilibres, dont il doit savoir tirer parti.

Vous souhaitez accéder à l’échange entre Alain Bernard, Mathilde Le Coz et le public présent à notre événement Greenworking (le premier d’une longue série) ?

👉🏻 Demandez le replay en cliquant ici.